L’EVOLUTION A UN SENS

Le darwinisme universel règne, et il prend sa racine dans la matrice quantique des mondes. 

L’intégrale des chemins de Feynman est le principe de moindre action à la sauce quantique, où la particule subatomique, de lumière par exemple, prend tous les chemins possibles entre deux points, au lieu d’un seul, le plus bref, comme dans notre monde classique.

Une particule peut prendre plusieurs chemins en même temps ?

Oui, car une particule élémentaire est aussi une onde, et sa présence peut comme se dilater à la mesure de cette onde, sous la forme d’une amplitude de probabilité.

Mais notre photon, s’il prend entre deux points tous les chemins possibles en même temps, ne va pas les prendre avec la même probabilité : c’est autour du chemin de moindre action, qui minimise la quantité de mouvement, que vont se concentrer les probabilités de présence les plus grandes de notre fureteuse mais pas folle particule.

Ce qui va nous redonner finalement, somme toute et en moyenne, le chemin de moindre durée que prend la lumière entre deux points, qui est le bon vieux principe de Fermat qui prévaut à notre échelle.

Tu piges que dalle ? C’est bon signe, Feynman qui a forgé cette théorie aujourd’hui bien vérifiée disait ceci : « Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas »

Alors banco, on continue.

Le principe de moindre action, on peut le percevoir dans le bizarre royaume quantique, est je le subodore un algorithme darwinien.

À l’échelle quantique, les particules sont aussi des ondes, qui lorsqu’elles sont en opposition de phase, c’est-à-dire quand les crêtes de l’une des ondes sont alignées avec les creux d’une autre onde, vont interférer entre elles de manière destructrive.

Les deux ondes vont alors s’annuler.

Et au contraire interférer de manière constructive, quand les ondes se superposent et que leurs crêtes et leurs creux sont alignés : les ondes sont en phase.

L’onde résultante est alors de plus grande amplitude. La particule en ce point devient observable.

Darwiniennement, ce chemin survit.

Le principe de moindre action, dans sa version quantique, exprime ainsi une concordance de phase, comme Louis de Broglie l’a énoncé dès sa thèse fondatrice de la nouvelle mécanique.

Et cela s’explique avec Feynman par le fait que tous les chemins dont la phase quantique s’éloigne de la moindre action tendtont à interférer entre eux en se détruisant mutuellement, quand ceux qui sont en phase se renforceront mutuellement.

Les chemins farfelus, rares mais toujours possibles, s’annulent en moyenne entre eux. Mais dans certains cas, comme pour les diffractions, quand une particule passe par un chemin étroit, alors certains chemins dont l’action n’est pas la moindre ne sont pas éliminés.

Car dans l’exiguïté du passage, les différents chemins se rapprochent tellement, que leurs phases respectives, quoiques non égales, ne diffèrent pas assez pour induire des interférences destructives.

Et dans ce goulet d’étranglement, le champ des possibles peut gagner en allonge, et la particule aller plus loin que d’habitude.

La contrainte élargit ainsi l’horizon d’une nature flemmarde censée en faire toujours le moins possible. Et ce gain d’action incident peut ouvrir des portes constructives dans l’évolution des choses et de la vie.

Dans le même esprit, l’effet tunnel, une facétie quantique qui peut se manifester à l’échelle nanométrique ou en deçà, permet aux particules et autres atomes intrépides de franchir une barrière énergétique sans avoir une énergie suffisante pour le faire !

Et ce curieux phénomène s’explique par le côté ondulatoire de la particule, avec son amplitude de probabilité assez leste, qui va lui permettre, à l’occasion qui fait le larron, d’avoir une possibilité, rare mais réelle, de présence au-delà de son périmètre statistique usuel.

Quitte à se retrouver de l’autre côté de la barricade. De la barrière de potentiel normalement infranchissable.

Et à l’œil.

Ou, dit autrement, d’avoir la gnaque de faire saute-mouton. Et de quitter les sentiers trop battus de la moindre action.

Cet effet quantique par excellence semble jouer un rôle crucial dans le cosmos.

Depuis les étoiles qu’il allume et consume à son rythme, en permettant les fusions nucléaires en leur cœur, jusqu’aux mutations génétiques dont il est un levier, sinon un métronome, en passant par l’astrochimie du milieu interstellaire ou la chimie prébiotique, l’effet tunnel tisse en filigrane sa toile élastique dans l’univers.

Le principe de moindre action, avec l’effet tunnel entre autres, ou plus généralement la sonde statistique du champ des possibles par les objets quantiques, va jouer tantôt comme une optimisation classique, vers le chemin le moins coûteux, tantôt comme un effet de levier, pour permettre de tenter des pistes audacieuses, et catalyser comme des jalons, en passant des frontières : étoiles, vie, sinon conscience, puisque ce principe se fraye, maintenant, un chemin jusqu’à notre jugeote.

Cette dynamique m’évoque les trois piliers darwiniens.

L’aspect aléatoire, avec le champ des possibles que teste statistiquement la particule, comme avec sa matérialisation par le choc des particules ou la mesure en labo.

C’est alors l’aspect sélection naturelle ou artificielle, qui actualise telle ou telle option parmi l’amplitude de probabilité de présence de la particule, au hasard.

Enfin l’aspect conservation de l’information, qui est un principe de base de la mécanique quantique, pour tout système isolé. Il permet une mémoire cumulative cosmique, qui va retenir les chemins qui marchent.

On retrouve bien les trois critères de Darwin, dès la fondation quantique des choses, grâce à cette lecture du principe de moindre action.

Par la jonction de Maupertuis, un des concepteurs de ce principe, mais aussi, ce qui est moins connu, de l’idée de la sélection naturelle, et de Darwin lui-même, avec ses 3 motifs pour l’évolution biologique, je propose donc de généraliser ce principe puissant, sous les espèces du darwinisme universel : 

La nature optimise son évolution selon ses contraintes, instantanément et dans la durée.

Mais continuons, après ce point de vue qui n’engage que moi, avec celui complémentaire d’une théorie actuelle, nommée le darwinisme quantique, ça s’invente pas, qui explique l’émergence de notre monde classique à partir d’une sélection naturelle des états quantiques les plus stables, qui sont les plus aptes à survivre dans l’environnement de l’objet considéré. 

Et ici les corrélations entre l’objet observé et les systèmes environnementaux sont établies par les hamiltoniens désignés. 

L’hamiltonien étant l’opérateur mathématique du principe de moindre action.

Nous y voilà. 

C’est une nouvelle fois le lien entre le darwinisme et le principe de moindre action.

Dans cette vision, on ne mesure pas directement l’original, pour ne pas dire la réalité, mais seulement des copies multiples des informations sur notre univers. Plus précisément, quand on voit quelque chose, les photons qui ont ricoché sur lui pour toucher notre rétine nous transmettent, comme des mouchards, sous la forme d’une réplique partielle, un petit topo sur son aspect. Et de nombreuses répliques sont nécessaires si de nombreux observateurs doivent s’entendre sur une mesure commune, comme pour ce qui se passe dans le monde classique, où on arrive généralement à s’accorder sur ce que l’on voit exactement. D’ailleurs, seuls les états quantiques les plus aptes à susciter des répliques dans le milieu ambiant peuvent être mesurés. 

Pour se donner une idée, un grain de poussière touché par un rayon de soleil l’espace d’une microseconde diffusera 100 millions de copies de sa situation avec les photons ayant ricoché sur lui. Mais seule une infime fraction de ces copies suffit pour se faire une assez bonne idée de la chose. C’est en tout cas cette redondance de l’information qui est la marque du darwinisme quantique, et le gage de la transition du monde quantique erratique et ambivalent, vers le monde classique plus régulier.

Trois expériences ont eu lieu en 2019, menées par trois groupes distincts de chercheurs travaillant indépendamment en Italie, en Allemagne et en Chine, et sont toutes compatibles avec les prédictions de la nouvelle théorie, en décelant des signes d’empreintes laissées par l’objet mesuré sur l’environnement, incarné ici par quelques photons bien contrôlés. 

De bon augure pour une validation prochaine plus rigoureuse de cette théorie prometteuse.

Mais le darwinisme ne se lance pas seulement à l’assaut du monde quantique, il jette ses filets même sur les bastions galactiques, comme une expérience particulièrement intéressante le suggère.

En 2014, une équipe de l’université de Sydney a pu estimer la masse de la Voie Lactée en reconstituant la dynamique passée et présente des nuages de Magellan, un groupe de deux galaxies naines irrégulières voisines de notre propre galaxie, et probablement même ses satellites. 

Comment ? En essayant toutes les valeurs possibles de position, vitesse et masse impliquées dans les trois galaxies, alors qu’elles sont toujours incertaines à ce jour.

Et cela grâce à un algorithme génétique, qui mime l’évolution darwinienne, et où les meilleures valeurs, nanties de mutations favorables, c’est-à-dire plus conformes à la réalité, se reproduisent davantage que les moins bonnes, moins fidèles aux données. 

Parmi quelques milliers d’orbites potentielles des Nuages de Magellan, la meilleure orbite obtenue reproduit précisément la topographie dynamique des galaxies sœurs, permettant ainsi d’établir la masse de notre Voie lactée, qui est 1000 milliards de fois celle de notre Soleil, à 20 % près, ce qui est une valeur plus légère que des mesures précédentes. 

Voilà. 

Et là on tient quelque chose.

Primo, sur l’efficacité des algorithmes génétiques, de plus en plus utilisés dans les secteurs les plus variés, du mouvement des animaux aux marchés d’actions en passant par les robots.

Deuzio, sur la nature potentiellement darwinienne universelle des galaxies, pour qu’un algorithme darwinien puisse si bien singer leurs trajectoires. 

Et là encore, le principe de moindre action, qui régit la dynamique des galaxies, semble épouser un algorithme darwinien.

Cette fois dans le monde macroscopique, et non plus seulement microscopique.

D’ailleurs, pour filer la métaphore de ce filon darwinien, la « biodiversité » stellaire s’est réduite depuis les débuts du Big Bang, et nous avons passé le pic de fécondité d’étoiles depuis belle lurette. Les galaxies sont de moins en moins foisonnantes, comme une transition démographique cosmique réalisée.

Cela dit, le darwinisme universel n’est pas seulement à l’extérieur de nous, dans les galaxies et les étoiles, mais à l’intérieur de nous, et même à toutes les échelles de notre corps.

Le pionnier de cette vision, c’est Wilhelm Roux, un embryologiste Allemand du XIXe siècle, pour qui chaque niveau d’organisation, moléculaire, cellulaire, tissulaire, organique, résulte d’une lutte darwinienne des parties à l’intérieur du tout de notre corps.

Darwin lui-même est impressionné par cette lecture, comme Nietzsche d’ailleurs, pourtant très peu darwinien. Et aujourd’hui, on redécouvre cette voie audacieuse, qu’on utilise en médecine, notamment dans les thérapies adaptatives. Dans cette approche, pour les cas de cancer sévères notamment, on évite les tapis de bombes chimiques ou radiologiques, qui peuvent sélectionner finalement les cellules tumorales résistantes les plus méchantes, en éliminant les autres cellules saines sensibles au traitement, leurs rivales dans l’accès aux ressources, ce qui peut libérer ainsi un boulevard au mal.

On s’efforce plutôt de contrôler la tumeur par des frappes plus ciblées et diversifiées, qui la réduisent et l’empêchent de s’adapter.

Et les résultats sont meilleurs, en effet.

Cette logique est utilisée aussi pour contrôler les parasites. Exemple: dans le sud de la Chine, dans le YuanYang, l’agriculture traditionnelle tient en échec un champignon qui parasite le riz et détruit la nourriture de 60 millions de personnes dans le monde, mais pas dans ce coin de cocagne, où on respecte deux règles.

Uno, les paysans se donnent les semences. Secondo, sans le moindre conseil sur la manière de semer. Donc chacun sème à sa guise, et ce cocktail génère une mosaïque de champs qui empêchent l’extension du champignon, qui ne peut affronter une pareille diversité. Et les rendements sont excellents. 

La diversité fait un barrage évolutif aux agents hostiles. 

Autre exemple en ce sens, la trithérapie, qui neutralise le virus du sida, pourtant très mutant, en le ciblant par trois molécules différentes, ce qui l’empêche de s’adapter par de nouveaux variants.

Les tips darwiniens marchent pour sauver des vies et cultiver notre jardin planétaire. Que l’évolution devienne donc le guide de notre action, car sa nature est d’optimiser tout le temps, à chaque instant, et avec le temps, elle va jusqu’à faire marcher les choses de mieux en mieux. Littéralement. Du malhabile batracien court sur pattes au bipède, bien vertical, à la foulée très efficace: le crapaud s’est transformé en prince. Mais que son carrosse nouveau riche n’écrase pas ses humbles aïeux et cousins sur la route de la vie.

On retrouve dans tous ces faits le principe de moindre action, que je généralise ainsi :

La nature optimise son évolution selon ses contraintes.

Et elle l’optimise instantanément, comme dans la durée.

Instantanément, car au niveau de la physique classique, à notre échelle, la nature prend toujours immédiatement le chemin de moindre action, le moins gourmand en énergie, de proche en proche, comme à l’aveugle.

Et au niveau de la physique quantique, à échelle microscopique, la nature sonde instantanément tous les chemins possibles, et retient statistiquement les plus probables à l’arrivée, qui sont les plus efficaces, en énergie et en temps. 

Comme une visionnaire.

La nature optimise aussi dans la durée, car déjà au niveau physique, quand on lui emprunte de l’énergie, on doit la lui rendre, dans un certain délai.

Dans la foulée, et pour la sphère biologique, la sélection naturelle ne maintient que les lignées qui ont produit des organismes assez efficaces pour s’être reproduits à leur tour. Et ces spécimens assez rares tendent, du coup, au fil de l’évolution et à force de batailles gagnées, à devenir visionnaires aussi, à leur manière. Ils deviennent des horloges de précision, pour anticiper leurs moments de vie critiques. Naissance, apprentissage, combat, sexe, procréation, mort.

D’une mécanique aveugle, la sélection naturelle s’improvise voyante.

Dans la fameuse expérience de Young, où la particule passe par les deux trous sur l’écran, sauf quand on la mesure, où elle prend alors un seul chemin, on a le symbole d’un choix.

La particule prend un seul des chemins, et elle va le prendre au hasard, mais en respectant les probabilités, variables selon la disposition et la taille des trous sur l’écran, et en respectant l’optimalité prédite par Feynman.

Et c’est comme un joueur de foot qui tire un pénalty. La théorie des jeux en mathématiques prédit théoriquement qu’un droitier doit tirer à 60 % à gauche pour être optimal, et un gaucher 60 % à droite. Or, les joueurs tirent effectivement, dans la réalité, selon cette proportion optimale.

Le photon n’a pas révisé Feynman, non, mais il sait. Le footeux n’a pas bûché les équations intégrales à noyau symétrique, non, mais il devine.

N’en déplaise à Einstein, Dieu joue aux dés. Mais les dés sont pipés.

Bel et bien, la nature optimise son évolution selon ses contraintes.

Ce mélange de hasard et de stratégie est le sel de la vie, mais aussi le levier de notre libre-arbitre. Il s’enracine dans les tréfonds quantiques de ce choix primal, et en moyenne optimal, entre plusieurs chemins; mais il se double, et avec les humains par excellence, de la réflexion, de la mise en abîme, qui permet une nouvelle optimisation, grâce à l’intuition, et à la raison aussi, cultivée méthodiquement dans la science.

La nature maximise le hasard le plus existentiel, et c’est pour ça que le hasard fait bien les choses. 

Tout dans l’univers est un fleuve d’informations, avec des flux d’énergie, dont l’action synthétise l’information, des rivières d’ADN, d’idées ou de bits numériques. Résumables en des successions de 0 et de 1.

Ces lignes de code semblent être traitées par le même algorithme, comme un logiciel dans un ordinateur. Cet algorithme génétique, darwinien, semble présent à chaque étape de montée de complexité dans l’univers. Peut-être que le nombre de chemins possibles empruntables est relatif à la complexité du processus en question?

S’il y a quelques degrés de liberté pour les particules et les atomes, et seulement quelques milliers de nouveaux éléments minéraux qui émergent des entrailles géologiques, dans la vie, la multiplicité des voies de sélection possibles explose, sans parler de la diversité culturelle, plus exponentielle encore, et supportée aujourd’hui par la noosphère du Web, et la puissance de calcul des puces de silicium.

Cette montée en complexité se solde généralement par des coûts énergétiques relativement plus grands. 

La voie lactée recèle une moindre densité d’énergie libre, par gramme et par seconde, que le soleil, qui en contient lui-même moins qu’un ver de terre, et le cerveau humain jouit lui-même d’une moindre densité que ses béquilles, les puces d’ordinateur.

C’est la rançon du savoir, et le prix de la liberté. 

Mais la plus grande efficience est aussi, toujours davantage avec le temps, de plus en plus à portée de main, comme l’évolution de la vie et nos histoires le montrent.

Alors prenons-en de la graine, en devenant conscient des noces subtiles entre le principe de moindre action et le darwinisme universel.

Et afin de corriger le tir de notre épopée terrestre un rien dispendieuse, à ce jour.

Marc, le 26 mars 2023.

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