LE PRINCIPE DE MOINDRE EFFORT

Nous Sapiens et les autres animaux descendons de l’éponge. Vous trouvez ça pas glorieux? Honteux même? Vous en ferez jamais votre totem? Vous préférez peut-être comme ancêtre Adam et sa go, expulsés apatrides d’un jardin pour avoir désobéi à un tyran qui leur cache la vérité?

Alors certes cet animal est tellement statique qu’on l’a longtemps pris pour une plante. Mais certains adultes se déplacent tout de même très lentement sur le fond marin, avec des mouvements de cellules de type amibe. Et les jeunes généralement dérivent ou même nagent librement. Un bon début.

Mais quid de l’homme?… lui qui gesticule beaucoup un peu partout pour pas grand chose.Il serait le point Omega de l’évolution?.. ça serait pas un peu du storytelling de parvenu, ça ?

Car en attendant l’éponge nettoie, et l’homme salit.

Et ce rejeton indigne de sa modeste et stoïque aïeule va jusqu’à massacrer son prochain, parce qu’il croit vraiment devenir immortel comme ça, et retourner au paradis perdu, quand l’éponge, trucidée, écrasée, coupée en mille morceaux, est capable de régénérer séance tenante et sans crack, avec ses cellules qui se réassocient spontanément pour former de nouveaux individus. Et certaines espèces peuvent vivre des milliers d’années.

Les éponges nous retournent proprement le cerveau, par leur génie débonnaire, quand les religions et autres idéologies nous le lavent, avec leurs mauvais génies.

Mais souvenons-nous de cette sagesse qui fut longtemps la nôtre durant tant de révolutions géologiques, quand nos corps sous cette forme ancestrale respiraient l’océan parmi les algues bleues. Si l’on redevient nous-même assez éponge, en recyclant proprement les savoirs, on peut alors être digne de notre généalogie, et faire aussi bien que notre doyenne.

Et c’est pas parce qu’on s’est beaucoup servi, jusqu’à les remplacer par des éponges synthétiques tellement on les a exploité, de leur squelette pour nettoyer les résidus de nos peaux mortes et de nos squames qui forment une bonne part de la poussière qui recouvre nos placards, qu’on doit les prendre de haut et passer l’éponge sur la dette de gratitude que l’on doit à ces placides purificatrices de nos détritus dans les océans, comme hier dans la jungle capitaliste de nos appartements.

Si l’éponge est une parfaite incarnation du principe de moindre effort, les rats tels que dévoilés dans les labyrinthes du savant Chinois Seng Tsai vendent la mèche: ils cherchent la plus grande satisfaction pour le moindre effort. Ça vous rappelle rien ?

Notre laborantin inspiré va aussi montrer que les rats peuvent être entraînés à gagner de l’argent, et à le dépenser avec des pièces contre du fromage. Ils sont même capables de raisonner, par la reconnaissance de motifs abstraits leur permettant de prendre la bonne porte dans un labyrinthe, qui les mène à la nourriture.

Ils peuvent mener plusieurs actions indépendamment, dont seulement la dernière offre une récompense, et identifier des logiques abstraites. Ils prennent, par exemple, toujours la porte avec deux symboles, qui mène à la récompense, et non avec un ou trois, quel que soit le changement de ces symboles.

L’éponge est intelligente, et le rat aussi, digne évolution quadrupédique de sa placide ancêtre marine.

Et l’homme, qui descend d’une espèce de musaraigne, proche au fond des rats actuels, qui musardait à l’ombre des dinosaures, s’il comprend vraiment que l’éducation est une clé qui ouvre les bonnes portes, pourra aussi honorer au lieu de le dilapider comme il le fait actuellement, son riche héritage d’intelligence.

Mais avec quoi tourne-t-il le bougre ? Sa nuque ne ploye-t-elle pas sous le poids de ses innombrables neurones enchevêtrés ?

Une équipe de bioingénieurs de l’Université de Californie de San Diego a répondu à cette questionlancinante : pourquoi les axones, ces bras grêles qui transmettent l’information d’un neurone à l’autre, sont-ils conçus comme ils sont, parfois si longs et si compliqués ?

Pas pour minimiser l’utilisation de tissus cellulaires, manifestement.Ni pour la vitesse, car des études récentes ont montré que les axones pourraient se déclencher plus vite, physiquement, mais cela submergerait le neurone.

L’étude, publiée le 11 juillet 2018, dans Scientific Reports, menée par Francesca Puppo, a utilisé la base de données 3D Neuro Morpho, et un type de neurones dits cellules paniers, de rats, mais qu’on retrouve aussi chez les hommes, pour reconstituer un modèle, simuler et examiner la vitesse de conduction des influx, sur la base de 12 000 branches axonales.

Et ça dit quoi ?

Le rapport de réfraction, entre la période réfractaire d’un neurone, quand il ne peut plus traiter un signal entrant, et la latence du signal d’info voyageant le long de l’axone, est parfait quand il est de 1: alors le neurone fonctionne au mieux.

L’étude montre un rapport de réfraction observé de 0,92.

Très proche donc de la valeur théorique idéale.

Bingo.

Les axones courts, longs, courbes, droits, avaient tous, dans ce capharnaüm de flux, un rapport de réfraction proche de un. Ce qui veut dire que quand les axones arborent une forme longue et courbe, c’est pour ralentir l’action des signaux et optimiser le rapport de réfraction.

C’est dans le sac de nœuds de nos neurones le rayon de lumière encore une fois du principe de moindre action généralisé : prendre le chemin optimal selon les contraintes !

Allez, parfois, comme si on passait l’éponge, l’intelligence humaine, faîte comme un rat, arrive à se frayer un chemin dans son dédale.

Marc, 23/04/2023

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