L’ÉCONOMIE DE L’ACTION : LE SENS DE L’HISTOIRE

Leibniz, l’une des plus grandes intelligences de l’histoire, malgré son christianisme et le tacle par derrière de Voltaire le ravageant avec Candide, est le père de notre monde devenu fou, pour l’avoir détourné et oublié.

Alors qu’il a déjà saisi certaines conséquences du principe de relativité, sur l’espace et le temps qui ne peuvent être absolus, il forge d’abord le concept d’énergie, cinétique (qui vaut ½ mv2), et notre monde a depuis deux siècles explosé sur tous les plans, par notre captation croissante des énergies qui nous entourent. 

Ainsi, les gens des pays développés ont en moyenne l’équivalent de quelques centaines d’esclaves énergétiques à leur service, grâce à la puissance abondante permise par l’exploitation des énergies que recèlent la nature, via le concept initié par le philosophe. 

L’énergie supplée à notre faible force et permet à moindre coût de maximiser notre capacité d’action. De transporter plus lourd, plus vite, plus loin. C’est en sourdine le principe de moindre action, et Leibniz est le pionnier de cette vision radicale où l’action physique (qui est la masse x la vitesse x  la distance parcourue), est optimisée dans l’univers et signe le dessein divin d’une économie de la nature, que formaliseront Maupertuis et les autres à sa suite.

Il fonde ainsi la rationalité économique au sens large, où toute action, à commencer par celle de Dieu, créant le meilleur des mondes possibles, est la conséquence d’un libre choix.Traduction par un calcul d’une volonté aspirant au bien, bien qui est la meilleure chose possible par les voies les plus simples. 

Et tout le monde aspire au bien en ce bas-monde, même le pédocriminel se jetant sur sa proie.

Mais du bien égoïste apparent au bien commun réel, la rationalité économique se décante pour passer des passions tristes ou atroces à l’action magnifique, du quant-à soi autistique au bien de tous, toujours en optimisant à sa mesure. 

De cette rationalité économique qui opère providentiellement dans tout l’univers en vue du meilleur possible, qui préfigure la main invisible d’Adam Smith, la discipline économique ne retiendra, en s’autonomisant toujours plus, que la seule logique du fric pour le fric.

Et que le meilleur gagne. 

Le principe de moindre action oublié dans sa finalité n’est plus qu’un mécanisme aveugle à exploiter, et non plus le moyen d’un but supérieur, comme chez Leibniz, où le calcul dérive d’une volonté vers le bien, et où le choix comprend certes le calcul, mais ne s’y réduit pas et même le dépasse, par le sens.

Coupé de son but, le bien commun, l’économie devient débauche, gabegie, elle détruit les hommes et la planète, ainsi même que la moitié de la nourriture produite sur le dos des autres vivants.

Que le meilleur gagne ? Ce sera sans doute le pire.

La rationalité économique devient alors son contraire: le capitalisme.

L’argent s’accumule pour lui-même, et le libre choix de tous disparaît dans les eaux froides du calcul aveugle des seules capitalistes, qui mènent le bateau droit sur l’iceberg.

Le capitalisme a récupéré la logique maximisatrice, mais au seul profit des possesseurs du capital, et au détriment de tous, dont les libres choix sont foulés au pied.

Fin du bien commun.

À noter que Leibniz, même si son christianisme l’empêcha de dénoncer le triste sort des Amérindiens, était plutôt contre la colonisation, qui fut un gros levier d’accumulation sauvage du capital.

Après la relativité, l’énergie et le principe de moindre action, Leibniz est enfin le visionnaire du langage binaire, dont il comprend la portée immense comme instrument de calcul plus aisé et plus créatif, et comme nouveau langage universel possible, sorte de quintessence du principe de moindre action, où le minimum de signes (2) donne le maximum de signifiants.

Après avoir amélioré la machine à calculer de Pascal, Leibniz inaugure en fait à sa suite l’âge de l’informatique, et l’ordinateur, comme l’intelligence artificielle, s’inscrivent dans le droit fil de son anticipation d’une rationalité économique pouvant mécaniser jusqu’aux rouages de la pensée, afin de l’épurer dans la logique impeccable d’un langage universel qui permettrait à deux philosophes en bisbille, de trancher leur controverse par un calcul. 

Somme toute, et un point c’est tout.

Si ce rêve leibnizien d’une langue universelle qui ferait de tous les raisonnements un calcul se concrétise toujours plus avec les derniers développements de l’IA, grâce notamment à Boole ayant formalisé la logique binaire des 0 et des 1, et à Shannon l’ayant décelé dans les transistors et autres puces de nos ordinateurs, Godel, par ses théorèmes d’incomplétude, a montré que la logique mathématique avait cependant des limites, même dans sa démontrabilité interne.

Cette langue logique est nécessaire, mais elle ne suffira pas à l’harmonie universelle.

Et d’ailleurs une IA ne pense pas, et ne veut rien.

On retombe sur le problème de la finalité.

L’outil, comme la monnaie, doit rester à sa place, celle de l’instrument, en vue d’autre chose. Ou sinon c’est l’idole.

Et Bach, qui semble porté par l’esprit de Leibniz dans ses fugues, montre la voie à suivre, par-delà la seule logique, vers le langage authentiquement universel.

Une voie musicale, naturellement, portée par et vers la grâce.

Marc, 7/05/2023

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